Au risque d'en prendre encore plein la tête je vais développer mes interrogations; vaste sujet en vérité, qui nous dépasse de très loin, mais qui n'empêche pas quelques modestes réflexions.
Abordons donc la question de l'imprimerie. Voilà un média qui ment et qui par ailleurs dit aussi la vérité, comme Internet. Que ferions-nous sans l'imprimerie? Peut-on encore imaginer un monde sans imprimerie?
Ces outils sont des moyens, ils sont neutres. Ils sont ce qu'on en fait. Cela C'est le principe. Le principe commode qui est sensé résoudre toutes difficultés. Mais essayons sans prétention aucune de regarder la réalité en face. Parce que, n'est-ce pas, Saint-Thomas d'Aquin nous enseigne de regarder la vérité objective et non pas de lui plaquer nos idéaux.
L'imprimerie a servi la Révolution sous toutes ses formes dés l'origine, malgré la censure, l'imprimatur, les encycliques, les démentis, la Parole de Dieu Elle-même.... C'est l'imprimerie qui a littéralement donné au Luthéranisme, le moyen de son succès. C'est encore l'imprimerie qui a permis la Révolution de 1789 (Libelles, colporteurs, placards, diffamations, etc).
Jusqu'à Vatican II, L'imprimerie, même si elle n'est pas seule en cause, a largement suscité cette révolution ecclésiale inouïe.
C'est l'imprimerie qui a fait éclore malgré les papes, le modernisme et le libéralisme depuis le sein de l'Eglise.
Les papes des XIXè et XXè siècle ont eu beau publier motu proprio, lettres encycliques, rendre obligatoire le serment anti-moderniste, allant même jusqu'aux excommunications, ils étaient toujours en retard d'un train. L'imprimerie les devançait toujours, relayée par les rotatives des journaux et leur diffusion à grande vitesse. Relayés par la radio et plus tard la télévision.
Bref, la Révolution était à l'offensive et l'Eglise sur la défensive. L'imprimerie sans la diffusion est paralysée. L'imprimerie a toujours eu la diffusion révolutionnaire à sa botte. C'est un fait.
Que nous donne l'imprimerie aujourd'hui? Des affiches, des photos scandaleuses à tous les coins de rue. Les images pieuses sont maintenant reléguées dans les églises et les monastères, quelques demeures privées et surtout... dans les musées.
Dans un ordre chrétien l'imprimerie pourrait-elle être génératrice de christianisme?
Alors voilà LA question: Avec l'imprimerie un ordre chrétien est-il objectivement envisageable? Le libéralisme n'est-il pas une conséquence inéluctable du système généré par l'imprimerie? Le système et ses dérives, (imprimerie-diffusion-révolution) conçu comme la démocratie, est neutre en principe, mais révolutionnaire en réalité. La malheureuse tentative de subversion de la République-démocratique par le ralliement de Léon XIII démontre amplement que le système est intrinsèquement révolutionnaire.
Et l'imprimerie poursuit son chemin, avec quelques bonnes choses: la Bible, la vie des saints, les encycliques ante-conciliaires, de sains ouvrages qui paraissent tous les jours.... Mais leur diffusion est-elle à égalité avec la diffusion des livres révolutionnaires? Bien sûr que non! La vérité n'est même plus à armes égales avec le mensonge (et cela, depuis la Renaissance!).
Depuis l'invention de l'imprimerie, un autre instrument neutre, en principe, est apparu: la télévision!
La télévision a-t-elle jamais seulement, donné autant de place à la vérité qu'à l'erreur? Qui, depuis l'origine, est le maître de la télévision, Dieu ou Satan?
De temps en temps une petite vérité pointe extrêmement timidement le bout de son nez dans une émission, et toutes les bonnes gens de crier au miracle.... Ce n'est en réalité que la maigre caution nécessaire à l'enfumage des esprits.
Évidemment, la télévision est au service de ceux qui commandent, ceux qui dirigent le monde. C'est logique.
Et si le commandement du monde passait aux mains pieuses de l'Eglise?
Imaginons: La télévision avec des gouvernants catholiques et une Eglise traditionnelle serait-elle, malgré tout encore libérale? Plutôt que poser comme principe que l'imprimerie et la télévision sont neutres par nature, posons-nous la question inverse: dans un monde catholique, la télévision pourrait-elle ne pas être libérale? La dérive libérale n'est-elle pas inhérente au système?
Je laisse la réponse, si vous en avez une, à votre sagacité.
Et maintenant revenons à Internet; dans un monde catholique idéal fort improbable aujourd'hui, Internet pourrait-il se concevoir sans pornographie ? Imagine-t-on Internet respectant les intervenants comme des personnes et non comme des consommateurs? Imagine-t-on Internet sans la société de consommation? Imagine-t-on Internet sanctifiée, refusant en bloc (c'est-à-dire tous les acteurs occultes) la récolte anarchique ou étatique des données fournies à foison par les internautes? Imagine-t-on Internet refusant d'instrumentaliser les données fournies avec les intérêts colossaux qu'elles génèrent et l'idéologie qui en découle ?
Peut-on imaginer à la place des marionnettistes que sont les banquiers et à leur remorque les Etats, l'Eglise contrôlant ce système ?
Dit autrement: Un ordre chrétien pourrait-il générer un Internet moral dépourvu de dérives ?
Et le pire pour la fin: Internet pourrait-il fournir, dans un ordre chrétien, autre chose que des esprits formatés binaires ? Surtout en ce qui concerne les jeunes cerveaux si vulnérables?
En fait, certes l'Eglise n'est pas contre le progrès scientifique. Voilà une bonne donnée massue qui désarme. L'Eglise est SEULEMENT contre la mauvaise utilisation du progrès scientifique! Bon!
Mais lorsque le progrès scientifique génère bien plus souvent le pire que le meilleur, n'y aurait-il pas là une question globale à se poser sur les bienfaits du "progrès" et de ses innombrables dérèglements qui s'accumulent les uns se juxtaposant aux autres de façon exponentielle..? Je pense notamment à la génétique, à la chimie etc.
C'est étonnant que jamais l'Eglise n'ait abordé, à ma connaissance, la question du progrès et de ses conséquences sur la Foi, dans sa globalité.
Ne parlons que de Magistère catholique évidemment. D'ailleurs sous Pie XII, la question des manipulations génétiques et de la robotique n'étaient encore qu'en gestation. L'Eglise s'est toujours contentée d'apporter des réponses au coup par coup à chaque "progrès" technique ou scientifique, se réfugiant derrière le principe global que le progrès en lui-même est neutre, seule son utilisation mauvaise serait coupable.
Il est vrai que la question a de quoi effrayer par son ampleur. D'autant plus que le "progrès" est devenu complètement incontrôlable aujourd'hui, le progrès se génère de lui-même par des systèmes robotisés. Le progrès échappe à l'homme devenu
l'"apprenti sorcier" du dessin animé Fantasia de Walt Dysney.
Attention, ceci est une réflexion sans aucune prétention, juste une façon d'essayer de regarder en face une réalité qu'on préfère ignorer. Une réalité qui nous ramène sans étape, des lumières révolutionnaires du XVIIIè siècle (chères à Benoît XVI) aux ténèbres de ce Moyen-Âge obscurantiste, où la médecine chimique et la chirurgie n'existaient pas, où les gens se gelaient en hiver, où la nourriture dépendaient des récoltes, où l'avortement était un crime mais où le taux de mortalité infantile était très élevé et où, malgré cela, les gens passaient leur temps libre et leur argent à bâtir des cathédrales en dentelle orientée vers Dieu.
Ce n'est pas sur un forum binaire par sa nature que nous allons résoudre la question. Mais il n'est pas interdit de réfléchir au progrès, même lorsqu'il risque d'être rétrograde, n'est-ce pas?
Il nous faudrait un Saint-Thomas pour entrevoir une réponse sur la question du "progrès" devenu fou, qui n'existait pas au Moyen-Âge. Mais peut-être mon ignorance m'empêche-t-elle de voir clair dans ces questions?
Pour terminer par où tout a commencé: la tentation du fruit de l'arbre de la connaissance dans la Genèse n'est-il pas inhérent au péché originel ?
Gentiloup